LIFE CHOICE LTD., c. SA MAJESTÉ LA REINE,
Dossier : 2015-2308(IT)I
ENTRE :
LIFE CHOICE LTD.,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
intimée.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Appel entendu le 11 juillet 2016, à Toronto (Ontario).
Devant : L’honorable juge Patrick Boyle
Comparutions :
Avocat de l’appelante : Avocat de l’intimée : Me Al Tharani
Me Eric Myles
JUGEMENT
L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le
revenu pour l’année d’imposition prenant fin le 30 juin 2012 est rejeté,
conformément aux motifs du jugement ci-joints.
Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2017.
« Patrick Boyle »
Juge BoyleRéférence : 2017 CCI 21
Date : 20170131
Dossier : 2015-2308(IT)I
ENTRE :
LIFE CHOICE LTD.,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
appelante,
intimée.
[TRANDUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
Le juge Boyle
[1] L’appelante, Life Choice Ltd. (« Life Choice »), interjette appel d’une
nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2012. Life Choice a limité
l’allègement qu’elle demandait afin que la présente affaire soit instruite sous le
régime de la procédure informelle de la Cour. La question à trancher consiste à
savoir si certaines activités de Life Choice constituaient des activités de recherche
scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») au sens de la Loi de
l’impôt sur le revenu (la « Loi »).
Introduction
[2] L’appelante se qualifie d’entreprise de produits de santé naturels; elle est
établie en Alberta et commercialise 92 produits. Le fondateur et président de Life
Choice est M. Eldon Dahl, docteur en naturopathie agréé. Ce dernier a indiqué que
sa pratique clinique est axée sur les soins chroniques destinés aux patients qui ont
épuisé la voie de la médecine classique et qui, atteints principalement d’un cancer
de stade IV, de sclérose en plaques ou de SIDA caractérisé, s’adressent à lui en
dernier recours.
[3] Les activités en question sont liées à la formulation, par Life Choice, de trois
produits de santé naturels. Le premier (« projet no 1 ») a été décrit de façon
générale comme un produit pour le traitement du cancer. Le deuxième (« projetPage : 2
no 2 ») a été décrit de façon générale comme la formulation d’un produit de santé
naturel de substitution, capable d’imiter les effets positifs d’un produit
pharmaceutique (l’acétyle-L-carnitine) en recartographiant les voies neurologiques
et en inversant la dégradation neurologique. Le troisième (« projet no 3 ») a été
décrit de façon générale comme la formulation d’un produit de santé naturel de
substitution, destiné à éliminer la plaque artérielle dans le traitement des maladies
vasculaires.
[4] M. Dahl a été le principal témoin dans le présent appel. En plus d’être le
président de l’appelante, c’est lui qui a dirigé le projet no 1, le projet no 2 et le
projet no 3 (collectivement, les « projets en question »). Il ne m’a donné aucune
raison de douter de sa crédibilité. Il a décrit quelles activités avaient été entreprises
dans le cadre de chacun des projets en question et il a mentionné et décrit les
documents qui avaient été déposés en preuve au sujet des activités menées par Life
Choice dans le cadre de ces projets.
[5] Le témoignage de M. Dahl a souvent été difficile à suivre et à reconstituer.
Dans un certain nombre de réponses qu’il a données à diverses questions
(y compris à celles de l’avocat de l’appelante), il a semblé parfois s’exprimer de
manière vague sur des points clés. Je ne conclus pas qu’il a parlé de manière
délibérément vague ou évasive mais plutôt, à en juger par son témoignage dans son
ensemble, qu’en tant que témoin dans une instance judiciaire, il n’était pas un
communicateur particulièrement organisé et concentré. Je ne sais trop s’il s’agit de
son style de communication habituel ou s’il ne s’était pas suffisamment préparé
pour l’audience, mais cela importe peu. À la fin de son témoignage, il avait
répondu, du mieux qu’il pouvait dans les circonstances, à toutes les questions que
lui avaient posées l’avocat de l’appelante et l’avocat de l’intimée, de même qu’à
celles que je lui avais moi-même posées à la fin de son témoignage dans le but
d’éclaircir certaines parties de ses réponses. Ses réponses et son témoignage ont été
aussi complets que l’avocat de l’appelante et lui-même ont voulu qu’ils soient.
[6] L’appelante a aussi fait témoigner Julie Bond, présidente de Bond
Consulting Group, société qui a agi pour Life Choice en cherchant à faire
reconnaître auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC) que les projets en
question étaient des activités de RS&DE. Bond Consulting Group n’a pas pris part
aux projets eux-mêmes. La quasi-totalité du témoignage de Mme Bond a consisté à
défendre l’appelante, ou a porté sur le va-et-vient qu’il y avait eu entre l’appelante
et l’ARC après l’exécution des activités pertinentes menées à l’appui des projets en
question. Son témoignage ne m’aide pas ou ne m’éclaire pas au sujet des
conclusions de fait et des déterminations qu’il me faut faire en l’espèce, les plusPage : 3
importantes étant la portée et la nature des activités que Life Choice a entreprises
dans le cadre de la poursuite des projets en question.
[7] L’intimée a fait témoigner David Szwarc de l’ARC. Ce dernier était à
l’époque et est toujours gestionnaire de la recherche et de la technologie à l’ARC.
Bon nombre des questions que les avocats des deux parties lui ont posées auraient
pu être utiles s’il était question ici d’un contrôle judiciaire de la décision de l’ARC.
Ce n’est pas le cas; il s’agit d’un appel sur le fond, qui a peu à voir avec les
mesures que l’ARC a prises pour arriver à sa décision.
Les activités de RS&DE sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu
[8] Les activités de RS&DE sont définies au paragraphe 248(1) de la Loi :
activités de recherche scientifique et
de développement expérimental
Investigation ou recherche
systématique d’ordre scientifique ou
technologique, effectuée par voie
d’expérimentation ou d’analyse,
c’est-à-dire :
scientific research and experimental
development means systematic
investigation or search that is carried
out in a field of science or technology
by means of experiment or analysis
and that is
a) la recherche pure, à savoir les
travaux entrepris pour
l’avancement de la science sans
aucune application pratique en
vue;
b) la recherche appliquée, à savoir
les travaux entrepris pour
l’avancement de la science avec
application pratique en vue;
c) le développement
expérimental, à savoir les travaux
entrepris dans l’intérêt du progrès
technologique en vue de la
création de nouveaux matériaux,
dispositifs, produits ou procédés
ou de l’amélioration, même
légère, de ceux qui existent.
Pour l’application de la présente
définition à un contribuable, sont
compris parmi les activités de
recherche scientifique et de
(a) basic research, namely, work
undertaken for the advancement of
scientific knowledge without a
specific practical application in
view,
(b) applied research, namely, work
undertaken for the advancement of
scientific knowledge with a specific
practical application in view, or
(c) experimental development,
namely, work undertaken for the
purpose of achieving technological
advancement for the purpose of
creating new, or improving
existing, materials, devices,
products or processes, including
incremental improvements thereto,
and, in applying this definition in
respect of a taxpayer, includesPage : 4
développement expérimental :
d) les travaux entrepris par le
contribuable ou pour son compte
relativement aux travaux de
génie, à la conception, à la
recherche opérationnelle, à
l’analyse mathématique, à la
programmation informatique, à la
collecte de données, aux essais et
à la recherche psychologique,
lorsque ces travaux sont
proportionnels aux besoins des
travaux visés aux alinéas a), b) ou
c) qui sont entrepris au Canada
par le contribuable ou pour son
compte et servent à les appuyer
directement.
Ne constituent pas des activités de
recherche scientifique et de
développement expérimental les
travaux relatifs aux activités
suivantes :
e) l’étude du marché et la
promotion des ventes;
f) le contrôle de la qualité ou la
mise à l’essai normale des
matériaux, dispositifs, produits ou
procédés;
g) la recherche dans les sciences
sociales ou humaines;
h) la prospection, l’exploration et
le forage fait en vue de la
découverte de minéraux, de
pétrole ou de gaz naturel et leur
production;
i) la production commerciale d’un
matériau, d’un dispositif ou d’un
produit nouveau ou amélioré, et
l’utilisation commerciale d’un
procédé nouveau ou amélioré;
j) les modifications de style; (d) work undertaken by or on
behalf of the taxpayer with respect
to engineering, design, operations
research, mathematical analysis,
computer programming, data
collection, testing or psychological
research, where the work is
commensurate with the needs, and
directly in support, of work
described in paragraph (a), (b), or
(c) that is undertaken in Canada by
or on behalf of the taxpayer,
but does not include work with respect
to
(e) market research or sales
promotion,
(f) quality control or routine testing
of materials, devices, products or
processes,
(g) research in the social sciences
or the humanities,
(h) prospecting, exploring or
drilling for, or producing, minerals,
petroleum or natural gas,
(i) the commercial production of a
new or improved material, device
or product or the commercial use of
a new or improved process,
(j) style changes, orPage : 5
k) la collecte normale de données. (k) routine data collection;
[9] L’appelante est d’avis que les activités menées dans le cadre de l’exécution
des projets en question étaient des activités de recherche appliquée, décrites à
l’alinéa b) de la définition. C’est donc dire que pour pouvoir déterminer si les
activités entreprises par Life Choice dans le cadre de l’exécution des projets en
question sont des activités de RS&DE, il est nécessaire que les conditions
suivantes de la Loi soient remplies :
1. les activités doivent constituer (i) une investigation ou une recherche
systématique, (ii) d’ordre scientifique, (iii) effectuée (iv) par voie
d’expérimentation ou d’analyse;
2. l’objectif ou l’objet de l’exécution de ces activités doit être
(i) l’avancement (ii) de la science (iii) avec application pratique en
vue – c.-à-d. des activités de recherche appliquée.
[10] Pour tomber sous le coup du paragraphe 37(1) de la Loi, les activités de
RS&DE admissibles doivent être exécutées et entreprises directement par le
contribuable concerné ou pour son compte. Le paragraphe 37(8) indique clairement
que, pour être admissibles, les dépenses courantes en matière de RS&DE doivent
être effectuées dans le cadre d’activités de RS&DE.
[11] Dans la décision Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c La Reine1
, l’ancien
juge en chef Bowman, de notre Cour, a écrit que les stimulants que prévoit la Loi
pour les activités de RS&DE sont destinés à encourager la recherche scientifique
au Canada et qu’il y a donc lieu de l’interpréter de la manière la plus équitable et la
plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Dans la décision
Consoltex Inc. c Canada2, le juge Bowman (tel était alors son titre) avait écrit plus
tôt : « Si l’on prend du recul et que l’on tente de déterminer ce que les dispositions
de la Loi relatives aux recherches scientifiques ont pour dessein d’accomplir, il est
clair qu’elles devraient être interprétées d’une manière qui encourage les
recherches scientifiques dans ce pays. »
1 [1998] A.C.I. no 340 (QL).
2 [1997] A.C.I. no 134 (QL), au paragraphe 79.Page : 6
Les critères établis dans la décision Northwest Hydraulic
[12] Dans la décision Northwest Hydraulic, le juge Bowman (tel était alors son
titre) a décrit l’approche à suivre pour évaluer les activités d’un contribuable par
rapport à la définition législative des activités de RS&DE. Le paragraphe 16 de ses
motifs comportent cinq questions à considérer, qui ont été systématiquement
approuvées et adoptées dans un certain nombre d’arrêts de la Cour d’appel
fédérale : RIS - Christie Ltd. c. Canada3
, CW Agencies Inc. c. Canada4
, Jentel
Manufacturing Ltd. c. Canada5
, et R&D Pro-Innovation Inc. c. Canada6
. (Voir
aussi Wojcik c. Canada (Procureur général)7
.) Le juge Bowman a écrit ce qui suit :
16 Je ne prétends pas avoir les mêmes connaissances technologiques que les
personnes qui ont aidé à préparer la circulaire, ou que les témoins qui ont
comparu devant moi, et notamment les experts fort compétents qui ont comparu
pour le compte de l’appelante et pour le compte de l’intimée, mais j’aimerais
énoncer brièvement ce qui, selon moi, constitue l’approche à suivre :
1. Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique?
a) Lorsqu’on parle de « risque ou [d’]incertitude technologique » dans ce
contexte, on laisse implicitement entendre qu’il doit exister une incertitude
quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques
courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès
qu’un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la
façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement
prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques
courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique telle que cette
expression est utilisée dans ce contexte.
b) Qu’entend-on par « études techniques courantes »? C’est cette question
(ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir
divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux
techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement
accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.
2. La personne qui prétend se livrer à de la RS & DE a-t-elle formulé des
hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude
technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes :
a) l’observation de l’objet du problème;
3 [1998] A.C.F. no 1890 (QL).
4 2001 CAF 393.
5 2011 CAF 355.
6 2016 CAF 152.
7 2002 CAF 328.Page : 7
b) la formulation d’un objectif clair;
c) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique;
d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à
éliminer l’incertitude;
e) la vérification méthodique et systématique des hypothèses.
Il est important de reconnaître que, bien qu’une incertitude technologique
doive être définie au départ, la détermination de nouvelles incertitudes
technologiques au fur et à mesure que les recherches avancent et l’emploi de
la méthode scientifique, et notamment l’intuition et la créativité, et parfois
l’ingéniosité en découvrant, en reconnaissant et en mettant fin à de nouvelles
incertitudes, font partie intégrante de la RS & DE.
3. Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établis et aux
principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation
scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la
formulation, la vérification et la modification d’hypothèses?
a) Il est important de reconnaître que même si la méthodologie
susmentionnée décrit les aspects essentiels de la RS & DE, la créativité
intuitive et même l’ingéniosité peuvent avoir un rôle crucial dans le
processus aux fins de la définition de la RS & DE. Toutefois, ces éléments
doivent exister dans le cadre de la méthode scientifique dans son
ensemble.
b) Ce qui peut sembler habituel et évident après coup ne l’était peut-être pas
au début des travaux. Ce n’est pas uniquement l’adhésion à des pratiques
systématiques qui distingue l’activité courante des méthodes nécessaires
selon la définition de la RS & DE figurant à l’article 2900 du Règlement,
mais l’adoption de la méthode scientifique décrite ci-dessus dans son
ensemble, en vue d’éliminer une incertitude technologique au moyen de la
formulation et de la vérification d’hypothèses innovatrices non vérifiées.
4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès
en ce qui concerne la compréhension générale?
a) Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s’y connaissent
dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne
parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut
connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des
documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au
Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe une
possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le
même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus.Page : 8
b) Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en
ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque là non vérifiée. Une bonne
partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que
l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise
ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que
l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique.
5. La Loi et son règlement d’application ne le prévoient pas expressément, mais
il semble évident qu’un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et
des résultats, doive être fait, et ce, au fur et à mesure de l’avancement des
travaux.
[13] Les cinq critères de base utiles que l’ancien juge en chef Bowman a établis
en vue de déterminer si des activités constituent des activités de RS&DE sont
décrits en ces termes par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CW Agencies :
1. Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait
être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques
courantes?
2. La personne qui prétend faire de la RS&DE a-t-elle formulé des
hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette
incertitude technologique?
3. La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline
de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la
vérification et la modification des hypothèses?
4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?
5. Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats
a-t-il été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux?
L’énoncé sommaire qu’a fait la Cour d’appel fédérale des cinq questions que le
juge Bowman a prises en considération ne retire rien au paragraphe 16 de la
décision Northwest Hydraulic.
[14] La question no 2 que l’on relève dans la décision Northwest Hydraulic,
question que le juge Bowman a posée au départ et que la Cour d’appel fédérale a
ensuite adoptée, comporte précisément un processus en cinq étapes qui ajoute une
certaine substance et une certaine ampleur à l’examen de la formulation d’unePage : 9
hypothèse : (i) l’observation de l’objet du problème, (ii) la formulation d’un
objectif clair, (iii) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique,
(iv) la formulation d’une ou de plusieurs hypothèses destinées à réduire ou à
éliminer l’incertitude et (v) la vérification méthodique et systématique des
hypothèses. Voir le paragraphe 16 de la décision Northwest Hydraulic.
[15] De plus, dans sa question no 2, le juge Bowman indique qu’un élément
intégrant des activités de RS&DE est l’emploi de la méthode scientifique, et
notamment l’intuition, la créativité et parfois l’ingéniosité pour découvrir,
reconnaître et mettre fin à de nouvelles incertitudes à mesure que les recherches
avancent.
[16] Je signalerais que chacune des affaires Northwest Hydraulic, RIS - Christie,
CW Agencies et Jentel mettaient en cause des demandes relatives au
« développement expérimental », une activité décrite à l’alinéa c) de la définition
des activités de RS&DE. L’alinéa c), qui a trait au développement expérimental,
parle de progrès technologique. Les alinéas a) et b), qui ont trait à la recherche pure
et à la recherche appliquée, parlent de l’avancement de la science. Dans une affaire
qui met en cause des travaux de recherche par opposition à des travaux de
développement, les références qui sont faites dans la décision Northwest Hydraulic
au risque ou à l’incertitude technologique ainsi qu’à l’avancement de la
technologie devraient donc être considérées comme des références au risque ou à
une incertitude scientifique, ainsi qu’à l’avancement de la science8
.
[17] Les cinq critères établis dans la décision Northwest Hydraulic sont des
questions que la Cour devrait prendre en considération pour décider si les
exigences législatives de la définition des activités de RS&DE sont remplies dans
une affaire particulière. Ces questions ne visent pas à reformuler ou à remplacer
entièrement le libellé de la loi. Par exemple, pour ce qui est de la question no 4, un
progrès technologique n’est pas un résultat auquel l’activité doit absolument
aboutir; la Loi exige seulement qu’il s’agisse de l’objectif de cette activité. Dans le
même ordre d’idées, il est possible de faire avancer la science ou la technologie en
recourant à des activités qui n’étayent ou ne prouvent pas une théorie ou une
hypothèse faisant l’objet d’une investigation ou d’une recherche. Un autre exemple
qui se rapporte à la question no 5 est que la Loi, de par son libellé, n’exige pas de
8 Selon le témoignage de Mme Bond et les observations de Bond Consulting Group qui ont été soumises à l’ARC, les
références faites par le juge Bowman et la Cour d’appel fédérale à des aspects technologiques et non scientifiques
dans certains de leurs facteurs signifient qu’elles s’appliquent uniquement au développement expérimental et non à
la recherche scientifique. Cela ne concorderait pas avec les principes reconnus de l’interprétation législative et il
s’agit d’une erreur.Page : 10
comptes rendus détaillés sur les essais accomplis et les résultats obtenus. Dans la
décision Northwest Hydraulic, le juge Bowman affirme que, normalement, on
s’attendrait raisonnablement à ce que l’on tienne de tels comptes rendus. Dans
l’arrêt RIS – Christie, la Cour d’appel fédérale prescrit que des essais doivent être
menés dans le cadre d’une recherche scientifique systématique et que les tribunaux
doivent examiner avec rigueur si les essais eux-mêmes ont été effectués de manière
méthodique et systématique. La Cour d’appel fédérale ajoute utilement que si le
contribuable a réalisé des essais et s’il y a bel et bien eu un progrès technologique,
on pourrait s’attendre à ce qu’un juge déduise que les essais ont été menés de la
manière systématique qu’exige la définition des activités de RS&DE.
[18] En revanche, les questions nos 1 à 3 de la décision Northwest Hydraulic
semblent conçues pour établir et cibler les renseignements utiles qui permettront à
la Cour de déterminer si l’activité exécutée constituait une investigation ou une
recherche systématique, et si l’on a eu recours à des expériences ou des analyses,
ce qu’exigent dans les deux cas les dispositions de la loi.
[19] Dans l’arrêt RIS – Christie, précité, la Cour d’appel fédérale, après avoir cité
et approuvé les motifs du juge Bowman dans la décision Northwest Hydraulic,
précise que la recherche systématique comporte l’exécution d’essais. La Cour
d’appel fédérale a écrit ce qui suit :
13 À l’évidence, les recherches scientifiques et le développement expérimental
visés à l’article 2900 du Règlement tendent à la création ou à l’amélioration d’un
produit ou procédé. La recherche doit donc avoir pour but une importante avancée
technologique et doit comporter un élément de créativité, elle ne peut être la
simple application de principes techniques courants. Il faut aussi que l’objectif
visé soit réaliste. L’alchimiste déterminé qui cherche à transformer des métaux
communs en or ne saurait chercher un encouragement fiscal dans la Loi de l’impôt
sur le revenu. À supposer que le projet de recherche soit admissible à un avantage
fiscal, la loi ne pose nullement pour condition, expresse ou implicite, qu’il soit
couronné par une avancée technologique. L’article 2900 du Règlement vise la
recherche effectuée pour l’avancement de la science ou dans le but de créer de
nouveaux produits. Il ne spécifie pas que pour être admissible, elle doit atteindre
effectivement ces objectifs. Une disposition en sens contraire reviendrait à faire
échec aux fins mêmes que poursuit la loi. On peut être certain que les projets de
recherche d’Alexandre Graham Bell n’ont pas tous porté leurs fruits. Soutenir que
la recherche non couronnée de succès ne vaut pas recherche scientifique au regard
de la Loi s’oppose au bon sens comme à l’objectif qui est d’encourager l’esprit
d’entreprise.
14 Outre la création de nouveaux produits et procédés, la recherche scientifique
implique l’existence d’expériences contrôlées avec mise à l’essai de modèles ouPage : 11
de prototypes. Le contribuable doit donc administrer la preuve des recherches
scientifiques pour démontrer qu’elles ont été effectuées (avec les essais) et qu’il
est de ce fait admissible aux encouragements fiscaux; voir par exemple
Progressive Solutions Inc. c. R., 96 DTC 1232 (C.C.I.). Il doit faire la preuve non
seulement que des essais ont été effectués, mais encore qu’ils ont été effectués de
façon systématique. À mon avis, la condition que les recherches soient
« systématiques » représente une norme plus rigoureuse que la simple condition
que des recherches, essais y compris, soient entreprises. Bien que les preuves
testimoniales soient admissibles au même titre que les preuves documentaires à
cet égard, le seul moyen infaillible d’établir que la recherche scientifique a été
effectuée de façon systématique consiste à produire des preuves documentaires
qui font ressortir la progression logique entre chaque essai et les essais précédents
ou subséquents.
15 Il est donc raisonnable d’attendre du contribuable qu’il administre la preuve
documentaire des recherches systématiques, essais y compris. Si cependant il y a
une explication plausible du défaut de produire cette preuve, le juge peut toujours
conclure, compte tenu de la probabilité la plus forte, qu’il y a eu des recherches
systématiques. Par exemple, quand les notes de recherches ont été détruites par
accident, il faut qu’il soit permis au juge de première instance de conclure, à la
lumière de l’ensemble des preuves produites, qu’il y a eu recherches
systématiques. Durant les débats, l’avocate représentant le ministre a reconnu ce
principe, ne serait-ce que parce que cette hypothèse d’école ne s’applique pas en
l’espèce. J’estime cependant qu’il doit être également permis de conclure que le
contribuable a entrepris des recherches systématiques s’il est prouvé que ces
recherches se sont soldées par une avancée technologique. Il doit en être ainsi
parce que les dispositions de la Loi et du Règlement relatives aux recherches
scientifiques ne peuvent pas reposer sur la seule condition de la possibilité de
répéter l’expérience. Autrement dit, cette condition réduirait à néant la validité de
toutes les autres preuves de recherche scientifique.
16 En l’espèce, le juge de la Cour de l’impôt a fait deux constatations
importantes. Il a pris acte en premier lieu que des essais ont été effectués et, en
second lieu, que les efforts de recherche de Slonimsky et de son assistant se sont
traduits par une avancée technologique. Ces constatations donnent lieu à la
conclusion, sauf preuve contraire, que les essais effectués par la contribuable ont
été entrepris conformément à l’article 2900 du Règlement. Dans les circonstances
de la cause, je ne vois pas la nécessité d’imposer à cette dernière la charge
supplémentaire de produire des preuves documentaires sur la possibilité de répéter
les résultats des essais. S’il y avait eu un doute quant à la question de savoir si une
avancée technologique a été enregistrée, le juge de la Cour de l’impôt aurait pu
conclure, compte tenu de la probabilité la plus forte, qu’il n’y a pas eu "
recherches scientifiques " au sens de la Loi et du Règlement. En l’espèce, une
avancée technologique a été réalisée dans l’industrie de la construction. Dans
l’affaire Sass Manufacturing, par contre, il n’y avait pas d’avancée technologique
puisque le projet avait été abandonné et que la preuve documentaire des essais ne
pouvait être produite du fait de la destruction des dossiers. Les faits qui nousPage : 12
occupent en l’espèce sont tout à fait différents des faits de la cause Sass
Manufacturing.
Cela souligne que l’on s’attend à ce qu’une investigation ou une recherche
systématique par voie d’expérimentation ou d’analyse comporte des essais, comme
il est clairement indiqué aux questions nos 2, 3 et 5 de la décision Northwest
Hydraulic, pour qu’il s’agisse d’une activité de RS&DE.
[20] Il est possible d’observer et de reconnaître que les cinq questions énoncées
dans la décision Northwest Hydraulic, de pair avec l’analyse et l’application que la
Cour d’appel fédérale en a faites, sont conçues pour que la Cour mette l’accent sur
la mesure dans laquelle le contribuable qui prétend avoir effectué des activités de
RS&DE a suivi ce que l’on considère en général comme la méthode scientifique.
Cette dernière est mentionnée et suivie depuis des siècles et elle est enseignée dans
les écoles secondaires du Canada. Le texte de la Loi lui-même évoque fortement
cette méthode lorsqu’il prescrit la tenue d’une investigation ou d’une recherche
systématique dans un domaine scientifique ou technologique, et ce, par voie
d’expérimentation ou d’analyse.
Les documents de planification des projets
[21] L’appelante a établi une feuille de planification d’une page sur chacun des
projets en question. Il s’agit des seuls documents contemporains que Life Choice
ou M. Dahl ont établis sur les projets en question et qui ont été déposés en preuve
(à l’exception d’une liste d’une page énumérant d’éventuels ingrédients d’appoint
liés à l’efficacité de la vitamine B17, relativement au projet no 1, à l’onglet 11 du
recueil de documents de l’appelante). Ces documents de planification ont été écrits
à la main par M. Dahl, sur un formulaire préimprimé.
Le projet no 1
[22] qui suit :
Le document de planification relatif au projet no 1, à l’onglet 7, indique ce
[TRADUCTION]
Nom du projet : Laétrile (P1)
À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?Page : 13
Comment concevoir une formulation répondant aux préoccupations que suscite
l’amygdaline sur le plan des la cyano-toxicité et donc sans danger pour un usage
humain (quotidien)?
Quel est votre plan?
Mon plan est le suivant : à l’heure actuelle, nous avons combiné de l’amygdaline
avec de la B12 en vue de déterminer les propriétés de liaison du cyanure.
Analyser la posologie et les effets de cette formule sur les niveaux de cyanure
présents dans le sang. Identifier les avertissements de risque, ainsi que d’autres
ingrédients que nous pouvons ajouter pour soutenir davantage la sécurité.
Examiner les effets secondaires.
Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et
pourquoi?
Eldon – chercheur principal
Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien
Jake – vérifier les matières premières
Don – mener des consultations sur la demande de la clientèle, les préoccupations,
les produits concurrents
Principales étapes et phases anticipées :
1. Mettre fin aux effets indésirables
2. Présentations à la DPSN [Direction des produits de santé naturels de Santé
Canada]
3. 4. Répondre aux préoccupations de la DPSN au sujet de la recherche de soutien
NPN [numéro de produit naturel de Santé Canada]
5. Production
Date de début du projet : juin 2010
Date de fin du projet : avril 2011
[23] Pour ce qui est du document de planification concernant le projet no 1,
M. Dahl a déclaré ce qui suit :
[TRADUCTION]
Cela montre donc mon plan de travail, et j’ai pris ces notes en cours de route et, à
vrai dire, la principale étape anticipée est celle de la fin des effets indésirables.
Nous voulons donc atténuer les effets indésirables que cause le cancer, quand on a
une hypothèse et que l’on prépare une présentation destinée à la DPSN de Santé
Canada au sujet d’une solution au problème, si la Direction permettrait que maPage : 14
recherche soit autorisée et, ensuite, répondre aux préoccupations et, enfin, après
l’approbation, la production finale9
.
Le projet no 2
[24] ce qui suit :
Le document de planification concernant le projet no 2, à l’onglet 15, indique
[TRADUCTION]
Nom du projet : Soutien neurologique (P2)
À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?
Comment concevoir une formulation qui correspond aux effets de
l’acétyle-L-carnitine et de l’acide alpha-lipoïque mais qui fonctionne avec ou sans
carnitine?
Quel est votre plan?
Faire des recherches sur les mécanismes de l’acétyle.
Analyser les ingrédients existants qui pourraient soutenir les fonctions
neurologiques. Vérifier les ingrédients en vue de former une justification.
Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et
pourquoi?
Eldon Dahl – chercheur principal
Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien
Jake – vérifier les matières premières
Don – préoccupations, produits concurrents, demande de la clientèle
Principales étapes et phases anticipées :
1. Confirmation des ingrédients particuliers permettant de créer une formulation
selon la recherche de dicentra inc. (aussi)
2. Présentation à la DPSN – SC
3. (NPN – production)
Date de début du projet : juillet 2011
Date de fin du projet : juillet 2012
9 Transcription, aux pages 19 et 20.Page : 15
Le projet no 3
[25] ce qui suit :
Le document de planification concernant le projet no 3, à l’onglet 24, indique
[TRADUCTION]
Nom du projet : Formulation chélatrice
À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?
Pour utiliser uniquement des ingrédients de source naturelle de façon à créer une
formulation de chélation administrée par voie orale dont l’effet thérapeutique est
équivalent à celui du goutte-à-goutte. Produire une vasodilatation entraînant
l’élimination de la plaque.
Quel est votre plan?
Faire des recherches sur des solutions de vasodilatation bien connues et recouper
les informations recueillies en vue de créer un support cardio à l’aide
d’ingrédients administrés par voie orale. Améliorer l’efficacité de manière
naturelle.
Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et
pourquoi?
Personnes prévues pour les travaux de développement
Eldon Dahl – chercheur principal
Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien
Jake – vérifier la sélection des matières premières
Don – consultation avec les clients, demande et concurrence exercée sur le
marché
Principales étapes et phases anticipées :
1. 3. 4. 5. Mettre fin aux effets indésirables
2. Présentation à la DPSN
Répondre à toutes les préoccupations relevées
Appui au moyen de recherches et de preuves cliniques
Valeur thérapeutique avec résultats notables
Date de début du projet : juillet 2011
Date de fin du projet : juillet 2012Page : 16
[26] Pour ce qui est du document de planification concernant le projet no 3,
M. Dahl a déclaré ce qui suit :
[TRADUCTION]
Il s’agit de mon étape de planification initiale. D’une question à laquelle j’essaie
de trouver une réponse. Mon incertitude consiste à utiliser un [ingrédient] de
source naturelle en vue de créer une formulation chélatrice administrée par voie
orale dont l’effet thérapeutique est équivalent à celui du goutte-à-goutte, celui de
la perfusion intraveineuse, et d’engendrer un effet de vasodilatation permettant
d’éliminer la plaque de l’organisme.
Et alors, ensuite – et ensuite l’étape de planification consiste à faire des
recherches sur des solutions de vasodilatation bien connues et à vérifier les
renseignements obtenus de façon à créer un système de support cardio permettant
d’utiliser ces ingrédients administrés par voie orale et, ainsi, d’améliorer
l’efficacité de façon naturelle, sans effets secondaires.
Et il s’agit d’un projet pour lequel j’ai consulté plusieurs groupes différents et les
ressources que j’ai employées, et les experts auxquels j’ai fait appel pour obtenir
de l’aide, et l’étape consistait à finir10 les effets indésirables et à présenter le tout à
la DPSN de Santé Canada pour approbation et à répondre à toutes les
préoccupations de cette dernière parce que mon objectif ultime n’était pas de créer
un produit disponible sur ordonnance, mais un produit disponible en vente libre
que le patient ou le client pouvait utiliser à la maison. Et étayé par des recherches
et des preuves cliniques. Et, à vrai dire, obtenir des résultats thérapeutiques avec
des résultats notables. Le projet a été lancé en juillet 2011 et [a pris fin] en
juillet 201211
.
Les activités exécutées par Life Choice dans le cadre des projets
Le projet no 1
[27] M. Dahl était au courant d’un produit de santé naturel, le laétrile, qui était
autorisé pour la vente en Slovaquie. Le laétrile était dérivé des noyaux d’abricot et
il contenait du cyanure. M. Dahl a écrit une lettre à l’entreprise qui le fabriquait, en
Slovaquie. Il a dit aussi s’être entretenu avec un pharmacien habilité à délivrer des
médicaments qui offrait le produit slovaque en vente libre. Il a déclaré avoir appris
de ce dernier que les résultats étaient apparemment excellents et favorables si l’on
suivait les directives en matière de posologie et d’ingestion qui étaient inscrites sur
la boîte.
10 M. Dahl a précisé que par [TRADUCTION] « finir les effets indésirables », il voulait dire atténuer ou éliminer ces
effets.
11 Transcription, aux pages 49 et 50.Page : 17
[28] La formulation de M. Dahl comprenait d’autres suppléments au laétrile
présent dans le produit slovaque. Il avait une théorie qui consistait à renforcer le
laétrile à l’aide de vitamine B12. Il a commencé par une longue liste d’ingrédients
possibles. Il a dit avoir conservé des notes manuscrites sur les études dans
lesquelles il avait puisé des informations. Comme il l’a déclaré :
[TRADUCTION] « Et c’est là que se trouvent les recherches que j’ai faites, au moyen
d’analyses, au moyen d’examens cliniques, en parlant avec des collègues, cela a
consisté à mettre au point mon projet en cherchant les pièces du casse-tête qui
pouvaient s’agencer. Et il s’agissait d’un examen systématique d’analyses qui
avaient été réalisées en vue d’amoindrir ou de satisfaire au départ mon
hypothèse12
. » Quand l’avocat de l’appelante lui a demandé de décrire les
[TRADUCTION] « activités réelles » qui avaient été effectuées, M. Dahl a répondu
ceci : [TRADUCTION] « J’ai commencé par mettre au point la formulation et j’ai fait
des recherches avec des ingrédients complémentaires qui fonctionneraient en
synergie avec ce produit. J’étais, comme je le dis, j’étais en contact avec plusieurs
personnes de ma connaissance qui sont des autorités, qui s’occupent soit de
matières premières soit de matières de qualité pharmaceutique aux États-Unis, des
produits sous leur forme naturelle qui, dirais-je, se trouvent, en termes simplistes,
sous une forme prédigérée13
. » Il a communiqué avec d’autres médecins au sujet de
la vitamine B12. Il a passé en revue diverses études universitaires. Il était au
courant de preuves et d’analyses faites par l’Organisation mondiale de la santé sur
le laétrile. Il a consulté une entreprise d’octroi de licences de produits de santé,
dicentra inc. Quand Santé Canada n’a pas accepté sa formulation de laétrile en
doses quotidiennes de 100 mg, il a reformulé le produit. La dose de 100 mg était
basée sur le produit slovaque. Il l’a reformulée en doses de 23 mg par jour, en se
fondant sur ce qu’il savait de la limite acceptable et tolérable que l’Organisation
mondiale de la santé avait publiée.
[29] M. Dahl a déclaré avoir présenté la formulation contenant le laétrile et la
vitamine B12 à Santé Canada juste pour obtenir l’acceptation nécessaire et que, de
là, il créerait une formulation en se servant d’autres ingrédients d’appoint présents
dans la liste qu’il avait rédigée (onglet 11), et ce, en se basant sur les connaissances
qu’il avait acquises à la suite d’expériences médicales antérieures qu’il avait
rassemblées et gardées à l’esprit. Les nouvelles formulations n’ont pas été décrites
plus en détail.
12 Transcription, à la page 16.
13 Transcription, aux pages 16 et 17.Page : 18
[30] En fin de compte, Santé Canada n’a approuvé aucune des formulations de
l’appelante qui contenaient du laétrile. Life Choice a plutôt formulé un produit de
santé naturel sans laétrile, mais qui imiterait quand même les effets de ce composé.
Ce produit est aujourd’hui sur le marché. On ne m’a rien dit d’autre sur les
activités visant à formuler et à reformuler ce produit.
[31] M. Dahl a déclaré que Life Choice n’a pas procédé à des essais cliniques
après qu’une tierce partie lui eut proposé de les faire. Ils auraient été trop coûteux.
Santé Canada n’en exigeait pas pour les produits de santé naturels. M. Dahl a
déclaré qu’il aurait été encore plus difficile de faire des essais cliniques parce que,
en tant que membre de l’organisme PETA [People for the Ethical Treatment of
Animals], il ne croyait pas en l’expérimentation animale – il aurait fallu faire des
essais sur des humains.
Le projet no 2
[32] Ce projet consistait à formuler un produit de santé naturel qui imiterait
l’effet de l’acétyle-L-carnitine, soit accroître l’activité neuronale cérébrale.
M. Dahl a correspondu avec une femme médecin et chercheuse scientifique qui, à
ce moment-là, faisait des recherches sur l’utilisation de doses massives de B12
méthylée pour le traitement de la sclérose en plaques. Ce médecin avait fait état
d’excellents résultats sur le plan des impulsions nerveuses. M. Dahl était au
courant d’une étude de Berkley, qui avait consisté à faire passer des rats âgés et
jeunes dans des labyrinthes et qui avait mené à une formule brevetée comprenant
de l’acétyle-L-carnitine et de l’acide alpha-lipoïque. M. Dahl a aussi étudié des
examens de projet d’autres personnes, dont un portant sur la cannibalisation de
vers plats et la mémoire acquise. Ses [TRADUCTION] « activités réelles » ont
consisté à passer en revue des études cliniques qu’il avait documentées et
analysées pour commencer à examiner des méthodes de reformulation. Il dit avoir
procédé à un examen systémique de la littérature, ainsi que des ingrédients et de la
science. Il connaissait par expérience les avantages de l’utilisation de la thréonine.
Il a tenté d’obtenir que Santé Canada retire l’acétyle-L-carnitine de la liste des
substances à usage restreint, afin qu’il puisse simplement l’employer dans son
produit de santé naturel, plutôt que de chercher un produit imitatif. Santé Canada
l’a fait à la fin de 2011, de sorte qu’il a reformulé son produit en se servant
d’acétyle-L-carnitine. Le produit reformulé a été autorisé en juin 2013 par Santé
Canada, et il contient 21 ingrédients médicinaux, dont de l’acétyle-L-carnitine, de
l’acide alpha-lipoïque, de la vitamine B12 et de la thréonine. M. Dahl a exprimé
l’avis que ses premières formulations exemptes d’acétyle-L-carnitine auraientPage : 19
également fonctionné, mais avec moins d’efficacité. Aucune explication n’a été
donnée au sujet de cette opinion.
[33] M. Dahl a déclaré qu’il a l’impression que le projet no 2 de Life Choice a
permis d’avancer les connaissances. Avec le projet no 2, Life Choice
[TRADUCTION] « pouvait utiliser des éléments clés, étayés par la science, pour
montrer que l’on peut réellement intensifier et modifier l’activité cérébrale,
atténuer la spasticité, ouvrir les synapses dans le cerveau afin de pouvoir
déclencher les neurones et être capable d’accéder à des souvenirs qui ont été
bloqués14 ». La Cour n’a pas eu d’autres descriptions ni d’éléments de preuve à
l’appui que les activités liées à la formulation du projet no 2 de Life Choice ou que
le produit de santé naturel de Life Choice avaient contribué à ces connaissances ou
que l’on avait montré que le produit fonctionnait de la manière décrite.
Projet no 3
[34] Le projet no 3 est un produit de santé naturel destiné à éliminer la plaque
artérielle. M. Dahl a émis l’hypothèse qu’il pouvait créer une forme chélatrice
orale qui s’attaquerait au processus de chélation (liaison) de façon à éliminer la
plaque artérielle des vaisseaux sanguins, à vasodilater les vaisseaux sanguins et
améliorer ainsi la circulation aux extrémités, ainsi qu’à retirer la plaque des
matières organiques présentes dans le tronc cérébral. C’est l’EDTA que l’on
utilisait à cette fin, sous forme intraveineuse. M. Dahl croyait que si l’on se servait
plutôt de l’EDTA sous forme orale, avec des ingrédients complémentaires, pour
obtenir le même résultat, il serait possible de l’obtenir en vente libre pour un usage
privé et il causerait moins de dommages à d’autres organes, tels que le foie et le
pancréas.
[35] M. Dahl a étudié la question pendant plusieurs années; il a effectué des
examens systématiques sur ce qui provoque le blocage dans les artères. On savait
que ce blocage était causé par des matières inorganiques, dont des métaux lourds
se formant à l’intérieur des vaisseaux sanguins et du cerveau. Il était d’avis que
l’EDTA que les médecins administraient par voie intraveineuse n’était pas complet
et pouvait également agir sur d’autres secteurs de l’organisme.
[36] M. Dahl souhaitait utiliser l’EDTA d’une manière qui était complémentaire
à d’autres ingrédients. Il savait que Santé Canada n’autoriserait pas l’EDTA à titre
d’ingrédient médicinal. Santé Canada allait permettre, ultérieurement, qu’il soit
14 Transcription, à la page 35.Page : 20
ajouté à titre d’ingrédient non médicinal d’appoint. M. Dahl a étudié les recherches
et la méthodologie d’un médecin allemand et il a lu des études publiées par
l’institut de ce médecin. Il a analysé ses recherches sur les études allemandes. Il a
décrit que ses [TRADUCTION] « activités réelles » avaient consisté à isoler les deux
éléments dont il allait se servir et, ensuite, à formuler un produit final dans son
esprit et sur papier, tout en intégrant aussi d’autres ingrédients particuliers qui ne
feraient pas concurrence avec les deux ingrédients que nécessitait le processus de
chélation lui-même.
[37] M. Dahl savait qu’il avait besoin de certains ingrédients chélateurs mais il
s’est rendu compte, en menant d’autres études, que certains d’entre eux étaient
antagonistes. Il dit avoir donc décidé, en formulant des hypothèses, lesquels
seraient les plus efficaces. Il a ajouté qu’au départ, il voulait faire un choix entre
l’EDTA et le DMSA, mais Santé Canada n’autoriserait pas que l’on se serve du
DMSA comme ingrédient médicinal dans des produits en vente libre. Il a donc
entrepris de créer une formulation à base d’EDTA qui ne serait pas toxique pour
l’organisme.
[38] M. Dahl a dit avoir fait des recherches sur des solutions vasodilatatrices bien
connues et avoir recoupé les informations obtenues. Il a consulté plusieurs groupes
différents et a fait appel à des experts pour aider à atténuer les effets secondaires
indésirables parce que son objectif ultime était de créer un produit en vente libre
qui serait étayé par des recherches et des preuves cliniques et que Santé Canada
autoriserait. Il a écrit une fois de plus à dicentra inc. pour consulter cette société sur
les ingrédients qu’il proposait d’utiliser au départ et obtenir une rétroaction.
[39] M. Dahl a déclaré qu’il a aussi déterminé que la formulation souhaitée
devrait être prise en doses et durant des périodes qui dépendraient de l’âge d’une
personne ainsi que des considérations environnementales propres à cette dernière.
[40] M. Dahl a affirmé ce qui suit : [TRADUCTION] « Ma formulation originale,
une fois efficace, atteindrait les résultats souhaités15
. » Cependant, une fois que
Santé Canada a retiré l’acétyle-L-carnitine de la liste des produits restreints et qu’il
a été possible de l’utiliser dans des formulations en vente libre, comme il a été
décrit plus tôt, M. Dahl a reformulé aussi le projet no 3 de façon à intégrer cet
ingrédient à la place de l’EDTA, qu’on ne pouvait pas utiliser comme ingrédient
médicinal. L’acétyle-L-carnitine est aussi un vasodilatateur. Il a donc analysé la
documentation existante qu’il possédait et a vérifié la compatibilité. Il a dit que le
15 Transcription, à la page 52.Page : 21
fait que Santé Canada avait retiré l’acétyle-L-carnitine de la liste des produits
restreints avait été un don du ciel parce qu’il était au courant de certaines études
cliniques, surtout celles d’un autre médecin en particulier, qui s’en était servi sur
des patients pendant plus de vingt ans. Il savait qu’il pouvait en accélérer
l’efficacité.
[41] M. Dahl a déclaré qu’il avait entrepris de nombreuses analyses de littérature
avant de se lancer dans son troisième projet. Il avait abondamment étudié le sujet.
Il a fait de nouveau référence à la fascination qu’il avait pour les travaux, les
conclusions, les résultats et les découvertes d’un autre médecin. Il a consulté
plusieurs articles et en a fait traduire un de l’allemand.
Les trois projets
[42] À la fin de son interrogatoire principal, l’avocat de l’appelante a demandé à
M. Dahl d’évaluer le temps qu’il avait consacré aux trois projets. Voici ce qu’il a
répondu :
[TRADUCTION]
Eh bien, c’est – mon travail d’étude est proportionnel au travail que je mène grâce
à mes analyses, mes études; l’intégration de sources externes telles que dicentra
inc., le – mon fournisseur de matières premières qui a un diplôme de maîtrise en
pharmacie, la consultation de plusieurs docteurs en naturopathie, et mon équipe
qui m’aide à effectuer les recherches et à faire une partie du travail préparatoire16
.
[43] À la fin du témoignage de M. Dahl, je lui ai demandé de clarifier ce qu’il
voulait dire par [TRADUCTION] « examen systémique ou examen systématique ».
Plus précisément, je lui ai demandé ce qu’il avait examiné systématiquement et
comment il avait procédé à cet examen systématique. Il a répondu qu’il avait fait
un examen systématique de l’analyse qu’il avait extraite des études cliniques
d’autres personnes en procédant à un examen de la littérature, ainsi qu’en
échangeant des lettres et en s’entretenant avec d’autres autorités, comme des
naturopathes, des professeurs et des pharmaciens. Il a ajouté qu’il avait effectué
d’autres analyses en évaluant le calcul des ingrédients présents dans ses
formulations, en puisant dans les connaissances et l’expertise qu’il avait acquises
et en soumettant ses formulations à Santé Canada pour autorisation. Il a déclaré
qu’il n’avait pas fait faire les essais cliniques à cause de ce qu’ils auraient coûté; il
avait témoigné plus tôt qu’il n’était pas nécessaire de procéder à des essais
cliniques pour faire approuver des produits de santé naturels par Santé Canada. Il a
16 Transcription, à la page 58.Page : 22
ajouté que la mise à l’essai de ses hypothèses était basée sur des preuves qu’il avait
reçues d’autres autorités, telles que l’Organisation mondiale de la santé. Il a
déclaré que ses formulations avaient été [TRADUCTION] « mises à l’essai au moyen
d’hypothèses ainsi que dans le cadre d’évaluations fondées sur des données
probantes17 ». Il ressortait clairement de son témoignage antérieur qu’il s’agissait là
de preuves préexistantes émanant d’autres personnes, ainsi que des connaissances
qu’il avait lui-même accumulées et de ses propres observations cliniques. Il a
indiqué que ses essais définitifs, à défaut d’essais cliniques, avaient consisté à
soumettre ses formulations à l’approbation de Santé Canada, approbation qui, une
fois obtenue, fait en sorte que les formulations sont jugées efficaces.
[44] M. Dahl a été encore plus clair et succinct quand l’avocat de l’appelante lui a
demandé quelles analyses ou quels travaux scientifiques avaient été effectués. Il a
répondu qu’il avait d’abord évalué l’affection qu’il fallait traiter. Deuxièmement, il
avait examiné l’organisme humain sur le plan pathologique et avait produit une
formulation destinée à s’attaquer à cette affection. Son analyse avait été faite au
moyen de preuves cliniques tirées d’une revue d’études scientifiques faisant
autorité. Il s’était servi de ces recherches combinées pour formuler un produit
unique qui répondrait aux questions que ces autorités analysaient, dans le cadre de
son examen de la littérature.
[45] Les réponses de M. Dahl étaient conformes au contenu du paragraphe 29 de
l’avis d’appel de Life Choice : [TRADUCTION] « La demanderesse affirme que les
formulations ont été mises au point de manière scientifique, et qu’elles nous ont
obligés à analyser les renseignements disponibles, recueillis dans la littérature
existante, auprès de fournisseurs et d’organismes de réglementation ainsi qu’à la
suite de l’analyse d’ingrédients. »
Facteurs, constatations, analyse et conclusion
[46] Je suis disposé à admettre qu’il y avait une incertitude scientifique dans
chacun des trois projets en question. Il était incertain que des produits de santé
naturels pouvaient être un moyen efficace d’imiter les produits pharmaceutiques
existants que l’on utilisait. Il était incertain que d’autres ingrédients naturels
complémentaires et supplémentaires pouvaient réduire de manière efficace les
effets indésirables des ingrédients naturels imitatifs principaux et nouveaux. Une
fois que les projets en question ont été reformulés en vue d’utiliser le produit
pharmaceutique existant plutôt qu’un ingrédient imitatif, comme dans le cas des
17 Transcription, à la page 87.Page : 23
projets nos 2 et 3 décrits plus tôt, il restait l’incertitude que représentait la
détermination des ingrédients naturels complémentaires et supplémentaires qui
seraient efficaces pour atténuer ou éliminer les effets indésirables des ingrédients
chimiques existants.
[47] J’admets que les formulations hypothétisées de Life Choice visaient à imiter
efficacement les produits pharmaceutiques existants, de même qu’à atténuer les
effets indésirables de l’ingrédient imitatif ou de l’ingrédient existant.
[48] Je puis conclure qu’il n’y a rien eu d’assimilable à des comptes rendus
détaillés au sujet des hypothèses émises ou des résultats obtenus. Cela semble
clairement résulter du fait que tout ce que M. Dahl a qualifié d’essais a été fait
uniquement dans le cadre de la mise au point de ses hypothèses concernant une
formulation efficace. Aucun essai n’a été fait pour évaluer, vérifier, quantifier,
déterminer le caractère répétitif ou non, comparer ou par ailleurs évaluer
l’efficacité de tout autre aspect des produits formulés par voie d’hypothèses
seulement. Ses formulations n’ont été reformulées qu’en réponse au fait que Santé
Canada avait soit rejeté la formule hypothétisée soit éliminé la restriction qu’il
avait imposée sur l’ingrédient qu’il privilégiait. Ses efforts de reformulation ont
consisté en des analyses revêtant la forme d’un [TRADUCTION] « examen
systémique de la littérature qu’[il avait] extraite et combinée de manière
synergique dans le but de créer une formulation18 ». Il a déclaré que la formulation
qu’il avait produite dans le but d’atténuer les incertitudes que présentait sa théorie
reposait sur l’ensemble des études cliniques sur les ingrédients et les éléments
scientifiques qu’il avait examinés.
[49] C’est l’absence de tout type d’essai réalisé par Life Choice à l’égard des
formulations hypothétisées qui fait aussi que celles-ci demeurent à ce jour
inconnues, si tant est que les formulations de Life Choice représentaient une forme
quelconque d’avancement de la science. On ignore même si les principaux
ingrédients formulés au départ dans le cadre des projets nos 2 et 3 étaient capables
d’imiter les produits pharmaceutiques existants, car Life Choice a procédé à une
reformulation en vue d’utiliser le produit pharmaceutique chimique existant dès
que Santé Canada lui a permis de s’en servir dans un produit de santé naturel
autorisé. Contrairement à la position de l’appelante, une formulation nouvellement
hypothétisée ne peut à elle seule être considérée comme des connaissances ou un
avancement de connaissances à ces fins.
18 Transcription, à la page 34.Page : 24
[50] C’est l’absence absolue d’essais de la part de Life Choice sur les produits de
santé naturels, après que M. Dahl eut hypothétisé les formulations, qui porte un
coup fatal au présent appel. Il ressort clairement de la preuve que non seulement de
tels essais n’ont pas eu lieu, mais ni Life Choice ni M. Dahl n’ont jamais envisagé
d’en faire dans le cadre des projets en question. La jurisprudence interprète de
manière claire, cohérente et correcte la définition des activités de RS&DE et
considère que ces activités exigent que l’on mette à l’essai sous une forme
quelconque les hypothèses qui sont émises afin que l’on puisse exécuter une
investigation ou une recherche systématique par voie d’expérimentation ou
d’analyse. La question no 2 de la décision Northwest Hydraulic, précitée, au
cinquième point du processus en cinq étapes qui y est décrit, exige que l’on
examine s’il y a eu vérification méthodique et systématique des hypothèses
formulées. La question no 3 de la décision Northwest Hydraulic exige que l’on
considère les essais comme une étape faisant partie intégrante de la méthode
scientifique. La question no 5 exige que l’on examine si l’on a tenu des comptes
rendus des hypothèses, des essais et des résultats à mesure que les travaux
avançaient.
[51] Comme il a été mentionné plus tôt, ce ne sont pas tous les aspects des cinq
questions énoncées dans la décision Northwest Hydraulic qui sont déterminants.
Individuellement, certains ne sont qu’informatifs. Cependant, pour ce qui est des
essais obligatoires, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt RIS – Christie, a
clairement indiqué qu’il est impératif d’avoir fait des essais systématiques pour
répondre à la définition légale des activités de RS&DE qui seront examinées avec
soin. Au paragraphe 14 de cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :
[…] la recherche scientifique implique l’existence d’expériences contrôlées avec
mise à l’essai de modèles ou de prototypes. Le contribuable doit donc administrer
la preuve des recherches scientifiques pour démontrer qu’elles ont été effectuées
(avec les essais) et qu’il est de ce fait admissible aux encouragements fiscaux;
voir par exemple Progressive Solutions Inc. c. R., 96 DTC 1232 (C.C.I.). Il doit
faire la preuve non seulement que des essais ont été effectués, mais encore qu’ils
ont été effectués de façon systématique. À mon avis, la condition que les
recherches soient « systématiques » représente une norme plus rigoureuse que la
simple condition que des recherches, essais y compris, soient entreprises. Bien
que les preuves testimoniales soient admissibles au même titre que les preuves
documentaires à cet égard, le seul moyen infaillible d’établir que la recherche
scientifique a été effectuée de façon systématique consiste à produire des preuves
documentaires qui font ressortir la progression logique entre chaque essai et les
essais précédents ou subséquents.
[Non souligné dans l’original.]Page : 25
[52] Ce n’est pas l’absence d’essais cliniques qui porte un coup fatal à l’appel de
Life Choice, mais plutôt l’absence d’essais, sous quelque forme ou de quelque
manière que ce soit, que l’on pourrait considérer comme ayant été effectués de
manière systématique. Life Choice aurait pu faire des essais systématiques pour
n’importe laquelle de ses formulations ou en vue d’améliorer l’efficacité de ces
dernières, et ces essais auraient pu avoir pour objet d’évaluer, de vérifier, de
déduire statistiquement ou de jauger l’efficacité sans devoir recourir à des essais
cliniques complets qui auraient été suffisants pour convaincre Santé Canada si les
produits étaient des produits pharmaceutiques restreints, ce qu’ils n’étaient pas.
Ces essais auraient pu être exécutés d’une manière qui répondait aux exigences de
la définition des activités de RS&DE, même s’ils n’auraient pas répondu à une
exigence de Santé Canada ou si, comme c’est le cas en l’espèce, il n’y avait aucune
exigence de cette nature.
[53] Ma décision en l’espèce ne vise aucunement à laisser entendre que les
revues de littérature et les consultations d’autres chercheurs ne peuvent pas être des
activités admissibles qui donnent lieu à des dépenses admissibles en tant
qu’éléments constitutifs légitimes d’activités de RS&DE. C’est ce qui semble
clairement ressortir d’une interprétation juste, libérale et téléologique de la
définition des activités de RS&DE, y compris de l’alinéa d) de cette dernière, ainsi
que des commentaires qu’a faits l’ancien juge en chef Bowman sur le rôle de
l’intuition, de la créativité et parfois de l’ingéniosité dans la décision Northwest
Hydraulic, précitée. Ma décision ne vise pas non plus à laisser entendre qu’une
personne qui exécute des activités de RS&DE ne peut pas se servir des données ou
des résultats des travaux de recherche que d’autres ont réalisés en mettant au point
ou à l’essai leurs hypothèses ou théories.
[54] Comme j’ai conclu que Life Choice n’a mis à l’essai aucune de ses
formulations ou de ses reformulations après que M. Dahl les a hypothétisées, et
encore moins de manière systématique, il convient de rejeter l’appel car les
activités menées à l’appui de ces trois projets de formulation ne peuvent
manifestement pas répondre aux exigences que contient la définition des activités
de RS&DE que l’on trouve dans la Loi, à savoir que ces activités doivent
constituer une investigation ou une recherche systématique effectuée par voie
d’expérimentation ou d’analyse19
.
19 J’ajouterais que je serais surpris si des élèves de niveau secondaire canadiens ne reconnaissaient pas aisément que
les activités de Life Choice et de M. Dahl ne se comparaient pas à l’emploi de la méthode scientifique.Page : 26
[55] L’avocat de l’appelante invoque la décision Hun-Medipharma Research inc.
c. Canada20 à l’appui de la thèse selon laquelle un examen de la littérature
constitue une activité de RS&DE. Je ne l’interprète pas de cette façon. Il s’agissait
d’une décision informelle dans laquelle la juge de première instance a déploré le
manque de clarté des deux parties. Elle ne mentionnait pas la décision Northwest
Hydraulic, précitée, rendue par le juge Bowman. Elle a été rendue un mois après
l’arrêt RIS – Christie, précité, de la Cour d’appel fédérale, mais celui-ci n’est pas
mentionné. La Couronne faisait valoir qu’il fallait qu’il y ait des expériences
cliniques. Dans l’affaire Hun-Medipharma, la juge Lamarre Proulx a eu raison de
conclure que la définition des activités de RS&DE exigeait soit des expériences
soit des analyses, et que des expériences cliniques n’étaient pas requises. La preuve
présentée l’avait convaincue qu’il y avait eu une investigation systématique par
voie d’analyse. Cela n’est pas le cas dans l’affaire Life Choice dont je suis saisi.
[56] L’appel est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2017.
« Patrick Boyle »
Juge Boyle
20 [1999] A.C.I. no 50 (QL).RÉFÉRENCE : 2017 CCI 21
No DU DOSSIER DE LA COUR : 2015-2308(IT)I
INTITULÉ : LIFE CHOICE LTD. c. LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 juillet 2016
DATES DES OBSERVATIONS DE
L’APPELANTE : Les 10 août et 26 septembre 2016
DATE DES OBSERVATIONS DE
L’INTIMÉE : Le 9 septembre 2016
MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Patrick Boyle
DATE DU JUGEMENT : Le 31 janvier 2017
COMPARUTIONS : [EN BLANC]
Avocat de l’appelante : Me Al Tharani
Avocat de l’intimée : Me Eric Myles
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : [EN BLANC]
Pour l’appelante :
Nom : Al Tharani
Cabinet : Barrett Tax Law
Vaughan (Ontario)
Pour l’intimée : William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada